Mercredi 26 Mars 2025
Écoblanchiment, “social washing” : comment éviter l’embellissement trompeur de nos contenus ?
Ça commence à se savoir : il ne suffit pas d'ajouter un ravissant logo vert à nos contenus pour qu'ils deviennent instantanément porteurs d'un message écologique.
Ça n'est pas, non plus, parce que nous rédigeons quelques articles sur le handicap et l'identité de genre que nous devenons soudainement des créateurs de contenus inclusifs.
Encore bien souvent, les contenus sont sujets à ce que l’on appelle du “green” ou “social washing” (éco-blanchiment ou blanchiment social en français).
Ces termes font référence aux stratégies de communication visant à embellir les engagements sociétaux et/ou environnementaux d’une organisation.
S’il est vrai qu’un nombre croissant de marques et d’entreprises véhiculent des messages porteurs de sens (liés à la transition écologique, à l’égalité de genre, à l’accessibilité, etc.), certaines ont malheureusement tendance à s’en servir comme d’un écran de fumée.
Non, prendre la plume sur des sujets vecteurs de liens sociaux ou écologiques ne suffit pas à faire de nous des créateurs de contenus éthiques.
Le message est important, mais les faits derrière le sont tout autant.
Autrement dit, lorsque vous employez des termes comme “inclusion”, “durabilité” ou “équité”, il est important que ces mots incarnent des actions concrètes, au risque de vous faire épingler par vos lecteurs et de vous décrédibiliser.
Alors, comment éviter le blanchiment et porter des messages qui illustrent véritablement nos actions ?
Quels contenus privilégier lorsque l’on est un acteur engagé ?
Voici quelques conseils pour parler vraiment de vos engagements et éviter le blanchiment.
Le cas H&M et son détournement d’attention
L’une des techniques assez classiques de blanchiment consiste à détourner l’attention de son public.
Il s’agit, entre autres, de mettre en lumière une action écologique, pour masquer d’autres activités polluantes. Exemple : vous vous vantez d’être une marque végane, alors que ce type d’alimentation ne représente que 20% de votre offre totale.
Le blog de Hello Carbo, solution de bilan carbone pour les entreprises et les particuliers, nous livre l’exemple du cas H&M et de sa collection “Conscious”, parue en 2011.
Sa visée ? Prôner des valeurs écologiques et un style éco-responsable avec des matières plus respectueuses de l'environnement comme l’Evonyl (Nylon 100% recyclé) ou encore le coton bio.
Seul hic ?
Au-delà de cette collection vantée pour son faible impact, la marque a continué de développer des vêtements en “fast fashion”, soit un renouvellement très rapide des collections, sans visée de réemploi ou de réutilisation, au-delà des matériaux souvent peu durables.
“La marque de prêt-à-porter détourne ainsi l’attention sur ses mauvaises pratiques. Mais ce n’est pas avec quelques collections soit-disant écologiques que la marque peut devenir une vraie entreprise éco-responsable et réduire son empreinte carbone.” rappelle le site Hello Carbo dans cet article consacré aux différents exemples de greenwashing.
Par ailleurs, en examinant ladite campagne, on remarque une très faible présence d’informations relatives à la “conscience” vantée par la marque. Le pourcentage de coton bio recyclé pour un jean n'est pas précisé par exemple.
Comment la marque nous fait-elle oublier ce manque d'informations cruciales ?
En utilisant des termes trompeurs. Des termes comme “durables”, “recyclés”, “biologique” reviennent ainsi à plusieurs reprises.
Des mots pour brouiller les pistes
Lorsque la marque affirme utiliser “au moins 50 % de matériaux durables, tels que du coton biologique et du polyester recyclé”, il s’agit en réalité d’une fausse information, indique le magazine Ancre.
Le polyester est un matériau non écologique, car non biodégradable.
« Les solutions de recyclage n’existent pas ou ne sont pas commercialement disponibles à l’échelle pour la grande majorité des produits. » affirme Chelsea Commodore, une habitante de l'État de New-York qui a porté plainte contre l’entreprise suédoise.
La marque a également été poursuivie en justice en 2019 par l’Autorité norvégienne de la consommation, qui a reproché à la chaîne d’avoir commercialisé sa collection de manière trompeuse.
Elle accuse ainsi la marque de ne pas avoir donné assez d’informations sur le caractère “durable” de ses vêtements.
Comme nous l’indique le média Usine Nouvelle, selon l’avocate Elisabeth Lier Haugseth, "Les informations sur la collection étaient générales et ne spécifiaient pas suffisamment l'avantage environnemental réel de chaque vêtement, par exemple la quantité de matériaux recyclés pour chaque vêtement".
Vous l’aurez compris, la marque a détourné l'attention de ses consommateurs en utilisant des mots porteurs d'un message écologique, pour duper son audimat.
Les mots ont un sens !
Il arrive malheureusement encore assez fréquemment que les marques utilisent des mots volontairement connotés au champ lexical de la nature, pour faire croire à leurs consommateurs que leur produit est écologique.
Dans un épisode du podcast “La terre au carré” (Qu’est-ce que le greenwashing ?), Mathieu Jannich, consultant-chercheur indépendant sur les sujets communication, marketing et transition écologique, nous avertit sur l’aspect parfois trompeur des mots chez certains annonceurs.
L’expert nous donne ainsi l’exemple de l’entreprise Total, qui a décidé d’ajouter à sa dénomination le mot “énergie”.
Le cas Total : une communication (faussement) durable
“L’énergie c’est la vie, nous en avons tous besoin et elle est source de progrès. Alors aujourd’hui, pour contribuer au développement durable de la planète face aux défis climatiques, nous avançons, ensemble, vers de nouvelles énergies. L’énergie se réinvente et ce chemin des énergies, c’est le nôtre. Notre ambition est d’être un acteur majeur de la transition énergétique. C’est pour cela que Total se transforme et devient Total Energie” murmure Total à nos oreilles dans son spot publicitaire relayé dans cette même émission de La terre au carré.
Voici un bel exemple de blanchiment malin : la marque a utilisé près de 5 fois le terme “énergie” en moins de 20 secondes. Quand nous pensons “énergie”, nous avons en tête la nature, la terre, l’environnement, l’écologie…
Total choisit ici volontairement de ne pas parler d’énergie fossile (des combustibles limités, non renouvelables et émetteurs de gaz à effet de serre), une activité dans laquelle la multinationale investit pourtant très largement.
Mathieu Jannich poursuit l’analyse : “Si on s’intéresse aux mots utilisés, quand on dit qu’elle [la marque] contribue au développement durable : effectivement c’est possible. Elle va développer ses activités et ses investissements dans les énergies renouvelables. Par contre sur le fond : l’activité principale de Total reste très largement les énergies fossiles. Il ne faut pas donner l’impression au public que Total devient un acteur majeur de l’énergie renouvelable.”
D’autant plus que le public n’est pas (plus) dupe !
À l'heure du réchauffement climatique et des scandales écologiques révélés au grand jour, il devient de plus en plus difficile de masquer certaines actions par un vocabulaire éthique.
N’oubliez pas que vos lecteurs ont accès à l’info et peuvent vérifier les faits. Nous, créateurs de contenus, sommes observés de près !
Alors, comment fait-on pour éviter le blanchiment et porter des messages sincères ?
Conseil nº 1 : Ne restez pas en surface !
Dans notre newsletter Le vendredi des possibles (un contenu proposé par Alexandre Dana, co-fondateur de LiveMentor, pour découvrir des livres et des outils autour de l’entrepreneuriat) nous avons consacré un épisode au livre Alerte greenwashing ! écrit par Wilfrid De Conti et Axel Denis.
Nous aimerions vous partager l’un des axes de cet ouvrage, qui nous semble indispensable pour éviter toute forme de blanchiment : la précision.
Afin d'éviter d’utiliser des mots qui risqueraient de tromper votre auditoire, soyez le plus précis possible.
Montrez à vos lecteurs que vous connaissez votre sujet et que derrière ces mots se logent des faits concrets.
Vous avez une production locale : fort bien, mais dans quelle mesure ?
Sur l’ensemble de votre chaîne de production ou bien sur une partie ? Le cas échéant, attention à ne pas employer un mot qui ne caractérise pas véritablement votre activité !
Vous pouvez, en revanche, dire que votre marque s’inscrit dans une démarche qui soit la plus locale possible, en privilégiant les circuits courts dès que vous en avez la possibilité.
D’une pierre deux coups, votre public appréciera sans doute votre démarche de transparence : c’est en admettant vos imperfections que vous gagnez la confiance de votre auditoire !
Autre exemple : si vous indiquez que votre marque est accessible, attention au terme.
Votre site web est-il adapté aux personnes malvoyantes ?
Si vous avez une boutique en physique, disposez-vous d’un accès pour le public handicapé ?
Idem, essayez de modérer ici vos propos, par exemple, en indiquant que vous essayez de vous adapter à une grande variété de publics et en décrivant, avec précision, vos démarches en ce sens.
La marque de steak haché Féroce : un modèle de précision
En lisant le contenu de la marque Féroce sur son site web, on pourrait d’abord croire qu’il s’agit d’un énième texte “blanchi”.
Féroce promeut une viande sans “polluants, métaux lourds et résidus médicamenteux, grâce à des contrôles rigoureux”.
Le petit plus qui fait la différence ?
La marque propose sa propre certification, l’Identité Nutritionnelle Remarquable, offrant une traçabilité optimale aux consommateurs.
Les reportages photo et vidéo immersifs de la ferme, le détail du cahier des charges et des contrôles réalisés, les résultats des analyses du laboratoire sont autant d’éléments concrets proposés aux internautes.
De manière générale, la certification est un gage de confiance chez le consommateur, qui sait davantage où il met les pieds.
A ce sujet, nous vous recommandons ce super article pour vous aider à faire votre choix parmi la multitude de labels et de certifications RSE.
Par ailleurs, comme l’indique Alexandre Dana dans Le vendredi des possibles :
“Derrière cette exigence de précision se dissimule une problématique plus large : on a souvent tendance à sous-estimer l’intelligence du consommateur. À force de simplifications excessives, l’essence même de l’argument se perd, conduisant à la diffusion de messages sans contenu réel. Ainsi, le consommateur en vient fréquemment à percevoir ces efforts de communication comme de la poudre aux yeux. Il n’est pas rare d’entendre l’expression « ce n’est que de la communication » pour refléter cette perception.”
Conseil nº 2 : Ne prenez pas vos lecteurs pour des imbéciles
Nous l’avons évoqué dans cet épisode, à l’heure d’une information globalisée : tout se sait !
Ne pensez pas que vos lecteurs ne vérifieront pas l’information que vous leur communiquez.
Comme le rappelle Alexandre Dana dans Le vendredi des possibles, il existe aujourd’hui différents outils pour détecter le blanchiment, comme le Panthéon du greenwashing, une initiative collective ciblant et exposant les cas de greenwashing et faisant voter la communauté (environ 4 000 votes par édition).
Il existe également des organismes officiels comme la DGCCRF, Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, qui mène des contrôles actifs et l’évolution du cadre juridique.
Vous lancez une démarche RSE ?
Parler de diversité ou de durabilité ne suffit pas : montrez les pratiques que vous mettez en place, notamment en interviewant vos salariés/prestataires, en publiant des articles sur l’agencement de votre système d’isolation avec des photos à l’appui, etc.
N’hésitez pas à communiquer de manière transparente avec des preuves : publiez des données vérifiables sur les initiatives RSE.
Montrez les succès, mais également les défis rencontrés, pour montrer à votre public que vous êtes dans une démarche d’honnêteté.
Essayez de publier des rapports qui soient les plus clairs et précis, avec des preuves concrètes (x % de déchets collectés sur l’année 2024, 40 0000 gobelets recyclés grâce à l’opération “zéro plastique”, etc.).
Conseil nº 2 : Ne prenez pas vos lecteurs pour des imbéciles
L’honnêteté, de nos jours, c’est sexy ! Elle nous permet d’être rassurés et de savoir à qui nous avons affaire.
Dans un monde en constant bouleversement, nous avons besoin de nous mouvoir sur un terrain stable. D’ailleurs, nous avons tendance à apprécier davantage les marques jouant cartes sur table.
Souvent, nous avons peur de montrer nos échecs, en pensant que cela nous décrédibilisera auprès de notre public, bien au contraire !
Cela engage un sentiment de confiance, voire de proximité avec votre audience qui, elle aussi, est probablement loin d’être parfaite.
Vous pouvez ainsi publier un reporting faisant état de votre recyclabilité tous les trimestres, montrer les démarches de votre certification et les difficultés que vous rencontrez, etc., pourquoi pas à travers une chronique mensuelle par exemple.
Personne ne vous demandera d’être 100 % irréprochable : vos activités auront forcément un impact, vous ne pourrez pas vous adresser à tous les publics et vous ferez sûrement des erreurs.
L’essentiel étant de vous montrer comme un créateur de contenu honnête et droit dans ses bottes.
Faites le maximum de ce que vous pouvez : c’est déjà très bien !
Besoin d’un petit coup de pouce ? N’hésitez pas à vous faire accompagner dans la création de vos contenus, pour entreprendre cette démarche de transparence avec un professionnel.
Vous vous définissez comme un créateur de contenu à impact ? Racontez-nous comment vous traduisez votre engagement : nous sommes curieux !À dans deux semaines pour un prochain épisode,
La rédaction
PS : De la création de contenu au partage de connaissances, il n'y a qu'un pas : partagez votre passion et votre expertise avec Learnybox, la plateforme parfaite avec tout ce qu'il vous faut, de la création de votre formation à sa commercialisation.
Que vous soyez au début ou prêt à passer un cap, Learnybox est là pour transformer vos idées en projets concrets.